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Réalités en face

11 octobre 2010

Pierre manent: la politique déserte la société http://www.marianne2.fr/Pierre-Manent-la-politique-deserte-la-societe_a198203.htm

 

 

 

 

 

Pierre Manent : la politique déserte la société

Discours politicien, appauvrissement du débat, disparition des camps... Autant de signes, selon Pierre Manent, qui prouvent que la politique a déserté notre société. Retraites, identité nationale… sont devenus tabou dans le débat politique, désormais «politiquement correct». Laurent Lemire a recueilli les propos de cet écrivain à la lucidité pessimiste quand à l'avenir de l'Europe



(Couverture du livre «Les métamorphoses de la cité : essai sur la dynamique de l'Occident» de Pierre Manent)
ntre histoire, philosophie et religion, Pierre Manent observe les sociétés et les règles qui en déterminent la politique. Ce spécialiste du libéralisme, qui fut un proche de Raymond Aron, publie un essai et un livre d’entretien où il déplore que la politique ait quitté la cité…

Laurent Lemire : Dans « Les métamorphoses de la cité » (1), vous constatez une asthénie du politique. Quels en sont les symptômes ?
Pierre Manent : La politique s’est diluée dans le discours politicien. Il suffit d’observer. L’appauvrissement du débat est patent. Ce qui domine aujourd’hui, c’est l’économie et le droit, deux domaines sur lesquels les discussions ne peuvent se nouer puisqu’ils échappent aux citoyens.

On n’arrête pourtant pas en France de parler politique et de publier des livres politiques…
Certes, mais tout cela ne débouche sur rien. Nous restons hors du monde. Nous faisons comme si le monde n’existait pas. Le discours politique est devenu consensuel. Il n’y a plus véritablement de camps politiques. Tout le monde traite des mêmes thèmes et souvent sous les mêmes aspects. Les hommes et les femmes politiques parlent désormais non plus une mais toutes les paroles politiques. Ils ne se distinguent plus. Comme le débat de fond est inexistant, les attaques personnelles deviennent plus stridentes et monopolisent toute l’attention des observateurs comme des citoyens.

Votre essai sur la dynamique de l’Occident peut donc se lire comme un plaidoyer pour un retour à la politique ?
Je dirais d’un retour à la confiance dans la connaissance de la politique. Depuis maintenant pas mal d’années, je travaille sur les formes politiques, c’est-à-dire sur les types d’association humaine dont la succession articule notre histoire. J’ai donc essayé de comprendre l’histoire de l’Occident à un moment où l’Europe s’interroge sur son identité, à un moment où cette Europe s’apprête à se dissoudre dans l’humanité sans laisser de traces. J’y vois comme un abandon de poste.

Un abandon politique ?
Oui, c’est à peu près cela. Nous considérons que nous ne pouvons rien sur notre destin, que tout nous échappe, que nous sommes au balcon de l’histoire comme disait Raymond Aron. La politique, c’est justement le contraire. C’est vouloir peser sur le destin, c’est vouloir nous organiser, c’est établir une règle commune pour affronter l’avenir. Les partisans de la mondialisation nous expliquent que tout nous dépasse. Les adversaires, les alter-mondialistes, disent sensiblement la même chose puisqu’ils considèrent que nous sommes écrasés par cette mondialisation. On finit par penser que les hommes politiques n’ont plus de choix. C’est faux.

Pierre Manent : la politique déserte la société
Vous dîtes qu’il est temps que nous nous préparions à la fin des grandes vacances européennes?
Oui, car il est grand temps de sortir du rêve. Nous entrons dans un monde où les puissances seront plus égales, c’est-à-dire aussi dans un monde où nous aurons moins d’assurance. Que feront la Chine et l’Inde ? Comment va se comporter une Amérique qui ne sera plus la première puissance mondiale ? Quelle sera la place de l’Europe dans ce nouveau monde ? Nous n’en savons rien. Mais il est sûr que nous nous dirigeons vers des événements très surprenants. Face à ces changements, il serait bon que l’Europe se réveille politiquement. Six ou sept milliards d’êtres humains chaussés de Nike, parlant anglais et échangeant des messages sur le web, font peut-être un monde homogène mais pas nécessairement uni.

Vous êtes assez pessimiste ?
Je suis lucide. L’Europe a hérité de l’Empire romain qui a succédé à la cité grecque. La cité, l’Empire et l’Église, ce sont les trois socles de l’Occident. La notion de « nation » a permis de sortir de l’impasse religieuse, de construire de nouvelles règles politiques. Quand on regarde l’histoire, on constate que jamais il n’y a eu autant d’incapacité à penser ce que nous faisons qu’au XXème siècle avec les résultats que l’on sait. Je voudrais qu’il en soit autrement au XXIème et je constate que, pour l’instant, cela n’en prend pas le chemin.

À cause de la dépolitisation de la vie civique ?
Sans aucun doute. Depuis que la gauche a renoncé à la classe sociale et la droite à la nation, on pense se rattacher au monde quand on se rattache aux droits de l’homme. Mais on ne peut pas réduire la politique à la moralisation du monde. La condition de l’homme ne change pas. Il doit donc s’organiser politiquement et établir des règles de vie commune. On voudrait se passer de politique, mais c’est impossible. Et surtout ce n’est pas souhaitable.


 

Jean-Côme TIHY

 

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11 octobre 2010

Pierre manent: la politique déserte la société:

 

 

 

Pierre Manent : la politique déserte la société

Discours politicien, appauvrissement du débat, disparition des camps... Autant de signes, selon Pierre Manent, qui prouvent que la politique a déserté notre société. Retraites, identité nationale… sont devenus tabou dans le débat politique, désormais «politiquement correct». Laurent Lemire a recueilli les propos de cet écrivain à la lucidité pessimiste quand à l'avenir de l'Europe



(Couverture du livre «Les métamorphoses de la cité : essai sur la dynamique de l'Occident» de Pierre Manent)
ntre histoire, philosophie et religion, Pierre Manent observe les sociétés et les règles qui en déterminent la politique. Ce spécialiste du libéralisme, qui fut un proche de Raymond Aron, publie un essai et un livre d’entretien où il déplore que la politique ait quitté la cité…

Laurent Lemire : Dans « Les métamorphoses de la cité » (1), vous constatez une asthénie du politique. Quels en sont les symptômes ?
Pierre Manent : La politique s’est diluée dans le discours politicien. Il suffit d’observer. L’appauvrissement du débat est patent. Ce qui domine aujourd’hui, c’est l’économie et le droit, deux domaines sur lesquels les discussions ne peuvent se nouer puisqu’ils échappent aux citoyens.

On n’arrête pourtant pas en France de parler politique et de publier des livres politiques…
Certes, mais tout cela ne débouche sur rien. Nous restons hors du monde. Nous faisons comme si le monde n’existait pas. Le discours politique est devenu consensuel. Il n’y a plus véritablement de camps politiques. Tout le monde traite des mêmes thèmes et souvent sous les mêmes aspects. Les hommes et les femmes politiques parlent désormais non plus une mais toutes les paroles politiques. Ils ne se distinguent plus. Comme le débat de fond est inexistant, les attaques personnelles deviennent plus stridentes et monopolisent toute l’attention des observateurs comme des citoyens.

Votre essai sur la dynamique de l’Occident peut donc se lire comme un plaidoyer pour un retour à la politique ?
Je dirais d’un retour à la confiance dans la connaissance de la politique. Depuis maintenant pas mal d’années, je travaille sur les formes politiques, c’est-à-dire sur les types d’association humaine dont la succession articule notre histoire. J’ai donc essayé de comprendre l’histoire de l’Occident à un moment où l’Europe s’interroge sur son identité, à un moment où cette Europe s’apprête à se dissoudre dans l’humanité sans laisser de traces. J’y vois comme un abandon de poste.

Un abandon politique ?
Oui, c’est à peu près cela. Nous considérons que nous ne pouvons rien sur notre destin, que tout nous échappe, que nous sommes au balcon de l’histoire comme disait Raymond Aron. La politique, c’est justement le contraire. C’est vouloir peser sur le destin, c’est vouloir nous organiser, c’est établir une règle commune pour affronter l’avenir. Les partisans de la mondialisation nous expliquent que tout nous dépasse. Les adversaires, les alter-mondialistes, disent sensiblement la même chose puisqu’ils considèrent que nous sommes écrasés par cette mondialisation. On finit par penser que les hommes politiques n’ont plus de choix. C’est faux.

Pierre Manent : la politique déserte la société
Vous dîtes qu’il est temps que nous nous préparions à la fin des grandes vacances européennes?
Oui, car il est grand temps de sortir du rêve. Nous entrons dans un monde où les puissances seront plus égales, c’est-à-dire aussi dans un monde où nous aurons moins d’assurance. Que feront la Chine et l’Inde ? Comment va se comporter une Amérique qui ne sera plus la première puissance mondiale ? Quelle sera la place de l’Europe dans ce nouveau monde ? Nous n’en savons rien. Mais il est sûr que nous nous dirigeons vers des événements très surprenants. Face à ces changements, il serait bon que l’Europe se réveille politiquement. Six ou sept milliards d’êtres humains chaussés de Nike, parlant anglais et échangeant des messages sur le web, font peut-être un monde homogène mais pas nécessairement uni.

Vous êtes assez pessimiste ?
Je suis lucide. L’Europe a hérité de l’Empire romain qui a succédé à la cité grecque. La cité, l’Empire et l’Église, ce sont les trois socles de l’Occident. La notion de « nation » a permis de sortir de l’impasse religieuse, de construire de nouvelles règles politiques. Quand on regarde l’histoire, on constate que jamais il n’y a eu autant d’incapacité à penser ce que nous faisons qu’au XXème siècle avec les résultats que l’on sait. Je voudrais qu’il en soit autrement au XXIème et je constate que, pour l’instant, cela n’en prend pas le chemin.

À cause de la dépolitisation de la vie civique ?
Sans aucun doute. Depuis que la gauche a renoncé à la classe sociale et la droite à la nation, on pense se rattacher au monde quand on se rattache aux droits de l’homme. Mais on ne peut pas réduire la politique à la moralisation du monde. La condition de l’homme ne change pas. Il doit donc s’organiser politiquement et établir des règles de vie commune. On voudrait se passer de politique, mais c’est impossible. Et surtout ce n’est pas souhaitable.

Lisez la suite de cette interview sur le blog de Laurent Lermire

Cet entretien a été publié dans Livres Hebdo, N° 833, 17 septembre 2010, pp. 22-23.

(1) « Les métamorphoses de la cité : essai sur la dynamique de l’Occident » de Pierre Manent, Flammarion, 430 pages, 23 €.

Samedi 9 Octobre 2010
Laurent Lemire - Vent des Blogs


Jean-Côme TIHY

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